Le monastère de Batchkovo est le second plus grand monastère orthodoxe en Bulgarie après le monastère de Rila. Ancien monastère géorgien, byzantin et bulgare. Son réfectoire possède de magnifiques fresques du début du XVII siècle. Proche de Plovdiv.
Le monastère de Batchkovo est le second plus grand monastère orthodoxe en Bulgarie après le monastère de Rila. Il se trouve dans les Rhopodes occidentales, sur la route Plovidiv - Smolyan, dans la partie des Rhodopes dite Dobrostan, sur la rive droite de la rivière de Tchépélaré. Le monastère de Batchkovo demeure à seulement 10 km de la ville d'Assenovgrad et à proximité du village de Batchkovo.
Histoire
Un monastère géorgien en terre byzantine
Le monastère de Batchkovo fut fondé par le Géorgien Grégoire Pakourianos, commandant des armées occidentales de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène. Au départ le monastère n'accueillait que des moines venus de la Géorgie. Vers le XI siècle il développa une forte activité épistolaire et mérita même le nom de l'école Pétritzon (le nom Petrizon est associé à la forteresse voisine Pétritch (forteresse d'Assen)). Le monastère fut l'un des points tournants dans les relations entre la Géorgie et Byzance.
Entrée dans le royaume bulgare
Dans la première période de son histoire le monastère de Batrchkovo n'est bulgare que 20 ans. Il intégra les terres bulgares en 1344 lorsque la région Stanimachka (autour Assenovgrad) fut cédée au roi bulgare Ivan Alexandre par l'impératrice byzantine Anne de Savoy en échange de l'aide reçue dans les luttes internes pour le pouvoir qui déchiraient la cour byzantine. Ivan Alexandrealloua des moyens considérables à ce monastère qui avait un grand renom. Il voulut augmenter encore plus son faste -des agrandissements et de nouvelles fresques furent réalisés (dont une le représentant lui-même).
En 1364 les armées des Ottomans conquirent la ville de Plovdiv, Assenovgrad (Stanimaka) et autres forteresses dans les Rhodopes. Dans ce contexte le monastère se retrouva dans l'Empire ottoman alors que la Bulgarie n'était pas encore soumise. A la prise de la capitale Tarnovo en 1393, le dernier patriarche bulgare Evtimii Tarnovski fut exilé par les ottomans dans le monastère de Batchkovo, où il demeura jusqu'à la fin de ses jours. Durant la domination ottomane le monastère continua à recevoir l'appui et des dons de la part de la population chrétienne. Les registres monastiques sur la période ottomane montre que les dons furent effectués essentiellement par la population bulgare.
Pendant le XVI siècle l'ensemble du monastère subit des dégâts. Dans des notes de l'époque il est mentionné, sans que ça soit précis, que les dégradations étaient dus aux "infidèles". Probablement le monastère subit des saccages de bandes turques. Suite à ces dégradations il fut entreprit à partir de 1572 une rénovation globale. Les bâtiments monastiques furent reconstruis entre 1572 - 1594 et en 1604 l'église principale fut construite à l'endroit de l'ancienne, puis en 1623 - le réfectoire.
Au XIX siècle le monastère de Batchkovo était toujours le plus important parmi tous les autres dans la région et exerçait une forte influence sur les monastères proches de Gorni Voden, Arapovo et Kouklen.
Bibliothèque
Grand centre religieux et épistolaire de son époque, le monastère de Batchkovo disposait d'une bibliothèque qui ne fit que contribuer à sa renommée. Elle conservait d'anciens livres géorgiens, byzantins et bulgares. Parmi les plus précieux sont un Sticherarion (manuscrit byzantin musical) du XIII siècle et un somptueux homéliaire géorgien du XIV ou XV siècle (conservé aujourd'hui dans l'Académie géorgienne des sciences).
Au cours des années 1930 dans une niche, emmurée jusqu'alors, ont été trouvés 103 manuscrits et 252 livres imprimés anciens, un véritable trésor.
En 2014 le monastère de Batchkovo entreprit une numérisation de sa bibliothèque afin que tout son contenu soit disponible sur Internet.
Églises
Il y quatre églises au monastère de Batchkovo - deux dans la cour principale : L'Assomption et Les Saints Archanges, une dans l'enclos sur la droite (non visible depuis la cour) qui est dédiée à Saint Nicolas, et l'église funéraire - l'Ossuaire, qui est éloignée du monastère.
Église de l'Assomption
L'église principale est la première que vous voyez en pénétrant dans le monastère. Elle s'appelle L'Assomption (en bulgare Ouspénié Bogoroditchno) mais souvent on la nomme simplement Sainte Marie. Cette église fut construite ех 1604 sur les ruines de la précédente qui datait de l'époque des frères Pakourianos. Elle abrite l'icône miraculeuse de la Vierge à l'Enfant, datée du l'an 1311.
Autre élément remarquable dans cette église est l'iconostase en bois sculpté qui se place parmi les plus anciens en Bulgarie (daté du début du XVI siècle). Il occupe la place de l'autel. Dans sa partie intérieure il repose sur une cloison murale de travertin. La partie en bois sculpté comprend un registre composé des icônes dites royales, une architrave tripartite (partie de l'entablement qui porte horizontalement sur des colonnes) et deux registres de petites icônes. L'ensemble forme une frise architecturale en relief, couronnée par une croix en bois flanquée par deux médaillons représentant des séraphins dans l'éclat des rayons célestes. La sculpture sur bois représente une vigne avec divers ornements et motifs. Les icônes royales datent de 1793, dessinés par le moine Jacob du mont Atos, les autres datent du XVII siècle.
Les fresques dans le naos furent refaites en 1850 par le peintre Moskhos d'Edirne (Andrinople). Plus précieuses encore sont celles du narthex qui, selon l'inscription des donateurs, datent de l'an 1643. Elles comprennent notamment leurs magnifiques portraits - ceux de Georgi et son fils Constantin, du village Vlassi, de la région de Thessalie (Grèce) (Βλάσι Καρδίτσας, Βλάσι των Αγράφων). Les fresques dans le naos sont illustratives par rapport aux tendances dans les arts monastiques sur les Balkans pendant cette période. Elles présentent des scènes rares de l'Ancien Testament, des scènes du calendrier chrétien et des scènes biographiques des saints.
L'icône miraculeuse
Il s'agit d'une icône de Sainte Marie donnée au monastère de Batchkovo en l'an 1311 par 2 voyageurs géorgiens Athanase et Ignace. C'est le bien le plus précieux du monastère. Elle est placée dans l'église principale, à droite de la grande entrée (ou à gauche de l'entrée latérale). Si vous arrivez un jour de grande fête chrétienne vous verrez une longue file d'attente devant cette porte latérale. Ce sont des gens qui viennent spécialement s'incliner devant l'icône. L'icône, excepté les visages de Sainte Marie et l'Enfant, est entièrement habillée en deux couches en relief, une en or et une en argent. Selon sa légende, elle serait une œuvre du saint apôtre et évangéliste Luca.
Légende
Selon une légende l'icône se serait transportée par les cieux d'un monastère géorgien, qu'elle aurait quittée pour ne pas avoir été respectée. Elle serait atterri dans un lieu-dit à proximité du monastère et un feu aurait jailli lorsqu'elle toucha terre. Deux bergers, frère et sœur, regardèrent trois nuits durant les flammes qui ne faiblissaient pas, ils sont alors allés voir quel fut ce feux étrange. C'est ainsi que l'icône annonça son arrivée. Les bergers rapportèrent ce qu'ils avaient vu aux moines du monastère qui la transposèrent dans l'église au cours d'une marche liturgique. A leur grande surprise le lendemain l'endroit où ils la placèrent était vide. L'icône s'était retrouvée dans le lieu où elle fut initialement trouvée. Les moines la transposèrent à nouveau dans l'église mais le lendemain et les jours suivants elle disparaissait à nouveau et fut toujours retrouvée au même endroit.
L'un des moines raconta à ses frères qu'il fit un rêve dans lequel Sainte Marie lui dit qu'elle resterait dans l'église à condition qu'une place spéciale lui soit attribuée, à droite de l'entrée du temple, afin qu'elle voit le cœur de celui qu'y rentre. Elle lui dit aussi que chaque année, au second jour de Pâques il fallait l'amener à l'endroit où elle fut trouvée.
Ainsi ils firent. Ils placèrent l'icône sur un trône en bois sculpté à droite de l'entrée principale où elle se trouve toujours aujourd'hui. Et chaque année, au second jour de Pâques, les moines organisent une procession et portent l'icône jusqu'au lieu de sa légende où ils font une liturgie.
A l'endroit où l'icône toucha terre pour la première fois jaillit une source à l'eau miraculeuse. Dans le pan rocheux voisin fut taillée une copie de l'icône. Un escalier étroit mène vers elle. Une veilleuse brûle sans jamais s'éteindre devant l'icône. A proximité est érigée une chapelle nommée au Saint Archange (le berger qui la vit pour la première fois s'appelait Angel).
La version plus terre-à-terre veut qu'après les saccages et la destruction partielle du monastère au XV siècle, un moine réussit à soustraire l'icône aux brigands et à la cacher dans les environs. Bien plus tard, alors que tout le monde croyait que l'icône avait brûlé dans les flammes un berger vit des éclats vifs au loin - c'étaient les rayons du soleil qui se reflétaient dans l'habillage argenté de l'icône. Le jour où elle fut découverte serait le lundi de Pâques (qui donne aujourd'hui lieu à la procession spéciale).
Église des Saints Archanges
Cette église sur un étage est consacrée aux patrons des armées célestes Michel et Gabriel. Elle est accolée à l'église de l'Assomption et si vous ne faites pas particulièrement attention vous ne verrez qu'une seule église dans la cour monastique. Eh bien, non ! Il y en a deux. Saints Archanges se trouve derrière l'Assomption. Sous ses arcades se situe l'entrée principale de l'Assomption.
C'est l'un des édifices (l'autre est l'église de l'Ossuaire) qui nous sont parvenus de l'époque de la fondation du monastère de Batchkovo et de l'époque des frères géorgiens Pakourianos. La légende implique l'empereur Alexis Ier Comnène comme initiateur de sa construction. En tout cas les données archéologiques situent la construction avant le XIII siècle. Une rénovation fut probablement faite au XIV siècle lorsque le monastère avait intégré le royaume bulgare, du temps du roi Ivan-Alexandre. L'icône principale du temple représentant les Saints Archanges est considérée comme l'un des meilleurs exemples de l'art iconographique du XIV siècle. Elle se trouve aujourd'hui à Sofia, dans la crypte d'Alexandre Nevski.
L'entrée voûtée sous les arcades est couvertes de fresques réalisées par le grand artiste iconographe Zakhari Zograf (monastères de Rila, Troyan). Il a représenté des paraboles évangéliques ainsi qu'un portrait de l'empereur Alexis Ier Comnène.
Le temple se trouve à l'étage, il n'est pas ouvert aux visites. Les fresques à l'intérieur sont réalisées en 1846 par le même artiste qui dessina dans l'église de l'Assomption : Moskhos d'Edirne. Elles présentent, entre autres, une scène de miracle effectué par l'archange Michel dans le monastère de Docheiariou (mont Atos).
Église Saint Nicolas
Érigée entre 1834 et 1837 dans la seconde cour monastique, fermée, qui se trouve à gauche de la principale église. Elle trône dans une quiétude ensoleillée, à quelques pas des incessants allers et venues des touristes et visiteurs.
Les fresques qui la recouvrent sont réalisées par Zakhari Zograf en 1840 qui dessina dans l'église et dans le narthex extérieur. Dans ce-dernier il dessina le Jugement dernier en prenant pour personnages (pour illustrer les damnés) quelques illustres commerçants et autres gens de situation de Plovdiv. Cette liberté désinvolte fit l'objet d'une plainte que l'un des concernés par cette stigmatisation publique, Nicolas Tonjorov, envoya par lettre à Neofit Rilski (illustre moine, hommes de lettres et figure centrale de la période du Renouveau bulgare)(sans doute parce que Neofit Rilski et Zakhari Zograf se connaissaient bien l'un l'autre). L'artiste a réalisé également ici son auto-portrait, dans le coin supérieur gauche, où il figure en dernier après le moine doyen du monastère Mateï et son prédécesseur Anani. L'auto-portrait est signé "Zakhari Zograf, Bulgare".
L'intérieur de l'église n'est pas ouvert aux visites. On peut voir l'église Saint Nicolas dans le cadre de la visite (payante) du réfectoire.
Église funéraire (Ossuaire)
L'Ossuaire est une église funéraire sur deux niveaux qui se trouve à environ 300 mètres à l'est des bâtiments du monastère. La partie supérieure remplit les fonctions de temple et la partie inférieure représente l'ossuaire qui sauvegarde les ossements des moines défunts. Avec l'église des Archanges, elle est l'un des deux bâtiments provenant du XI siècle, la période d'établissement du monastère par les frères géorgiens Pakourianos.
Les fresques qu'on retrouve aux deux niveaux (plus nombreuses dans le niveau supérieur) sont relativement bien conservées et d'une grande valeur, notamment pour représenter le sommet de l'art orthodoxe durant la période des Comnène. Parmi elles une attention plus particulière méritent deux magnifiques représentations de la Résurrection des morts - le Jour du Jugement dernier et la Vision du prophète Ezéchiel dans la vallée des os desséchés. Une inscription grecque communique que les fresques sont l'œuvre de Jean Iveropoulos (probablement d'origine grecque ou géorgienne).
Au XIV siècle, du temps du roi Ivan Alexandre, les arcades ouvertes sur les deux niveaux sont obstruées et les niches ainsi formées sont recouvertes de fresques représentant le souverain bulgare et son saint patron Saint Jean le Théologien, les saints Constantin et Hélène (niveau supérieur), le sébaste Grégoire Pakourianos et son frère Abas (les frères fondateurs du monastère de Batchkovo) et Georges et Gabriel (les seconds grands donateurs). Les inscriptions accompagnant ses fresques sont également en grec.
Le roi bulgare est représenté dans une pose caractéristique pour un portrait représentant un empereur. Dans sa main droite il tient un sceptre pointé par une croix et dans sa main gauche, replié vers la poitrine, il tient un manuscrit. Ses habits reflètent jusqu'au moindre détail l'accoutrement impérial byzantin : une dalmatique rouge, cordon, kamilafkion et couronne sertie de pierres précieuses. Un fragment d'inscription en grec se retrouve sur cette fresque qui, avec toutes les autres, témoigne de la grande influence byzantine qui régnait en ces terres depuis peu bulgares.
Dans la partie inférieure se trouve donc la crypte où sont recueillis les ossements des moines. Selon la procédure monastique en vigueur lorsqu'un frère décède il est enterré par une sépulture classique. Sept ans après, la tombe est ouverte et les ossements du défunt sont transposés dans l'ossuaire où ils vont rejoindre ceux des autres moines. Les compartiments qui recueillent les os se trouvent sous le sol en dalles de pierre. Pour que les visiteurs puissent en obtenir une image complète, deux compartiments sont ouverts.
Réfectoire
L'ancien réfectoire du monastère (qui n'est plus utilisé aujourd'hui en tant que tel) se trouve à gauche des églises Sainte Marie et Saints Archanges. Aucun signe distinctif ni panneau ne l'annoncent. Il est, sans aucun doute, le véritable joyau du monastère de Batchkovo.
Le réfectoire est partie intégrante de l'aile sud du monastère, au-dessus se trouvent des habitations des moines. Il fut construit en 1623, dans le cadre du chantier de rénovation et de reconstruction du monastère, après les dégradations de la seconde moitié du XVI siècle. Il est précédé par une cuisine avec foyer où les moines préparaient la nourriture. La salle du réfectoire tranche avec la rusticité des dépendances. Grande et longue pièce voûtée, de forme rectangulaire, au milieu de laquelle trône une longue table de marbre blanc. Les moines s'asseyaient le long des deux côtés, sur des bancs en bois. Selon une gravure dans le marbre, elle fur fabriquée en 1701.
La somptuosité des fresques impressionne le visiteur une fois le seuil franchi. Intégralement dessiné, le plafond du réfectoire est occupé par une grande composition de l'Arbre de Jessé (l'arbre généalogique de Jésus Christ) dont les nuances du fond bleu à qui contraste l'or des filigranes rappelle un ciel étoilé. Peintes en 1643 ces fresques sont dignes des plus grands œuvres iconographiques de l'orthodoxie et peuvent se comparer uniquement à celles du réfectoire du monastère de la Grande Laure de l'Athos (Saint Athanase). Outre les figures classiques des saints on y voit également celles des philosophes antiques Aristote, Socrate, Diogène et autres, considérés comme les précurseurs du christianisme et dont la sagesse se compare à celle des prophètes chrétiens. Sont encore représentées des scènes variées de l'histoire de l'église, des scènes bibliques comme le Jugement dernier, le cycle complet de l'Acathiste à la Mère de Dieu. et autres. Fait curieux et remarquable - le même Arbre de Jessé mais réalisé à bien plus petite échelle (faute d'espace, sans doute) figure dans l'Église de la Nativité à Arbanassi. L'auteur demeure inconnue, en revanche tout aussi bien la période que le style concordent.
La réalisation des fresques fut financée, selon une inscription, par le même Georgi qui paya pour celles du narthex dans l'église de l'Assomption. L'ensemble fut nettoyé et restauré entre 1967 et 1972 par une équipe menée par le célèbre artiste et restaurateur tchèque Raimund Ondréček.
Le côté extérieur du réfectoire est aussi couverte par une fresque panoramique présentant le monastère de Batchkovo et ses environs. Elle fut réalisé par Alexis Atanasov qui a également réalisé les fresques du proche monastère Saint Kirik et Yuliata, au-dessus de Gorni Voden. Dessus figurent les personnages des fondateurs et principaux donateurs du monastères (Grégoire et Abas Pakourianos, Alexis Ier Comnène, Gabriel et son fils Georgi) ainsi que la représentation d'une procession de l'icône miraculeuse, grand événement annuel de la vie monastique. Cette composition panoramique est la plus grande qu'on puisse voir dans un monastère bulgare.