Maison Stepan Hindliyan, Vieux Plovdiv
Parmi les anciennes maisons dans le Vieux Plovdiv il y a une qui les surpasse toutes par la richesse de sa décoration - c'est la maison du commerçant Stepan Hindliyan. C'est une visite de premier choix si vous souhaitez voir la splendeur du Vieux Plovdiv dans sa période fleurie du XIX siècle. La maison est reliée avec la maison voisine Balabanova par un passage spécialement fait à ce but, l'on passe d'une cour à l'autre, profitez donc pour combiner votre visite.
La maison Hindlyan appartenait à la riche et nombreuse famille du commerçant arménien Stepan Hindliyan. De son véritable nom Stepan Manouk il gagna son surnom Hindlyan (par association du mot turque pour Hindou (ils l'appelaient encore Hindioglu) du fait de son commerce actif avec l'Inde.
La construction de la maison s'est effectuée dans la période 1834-35 et demeure jusqu'à nos jours l'un des rares exemples de la maison symétrique du Vieux Plovdiv. Son ossature est essentiellement en bois, posée sur des profondes fondations en pierre. Les murs sont faits avec des briques de terre sur lesquels sont apposés trois types d'enduits : couche primaire, d'isolation et de finition. Ce dernier est très fin, approprié pour la décoration picturale et c'est notamment ses fresques (ensemble avec le riche mobilier) qui rendent la maison si attrayante.
L'entrée de la maison se situe entre les deux ailes du bâtiment, avec la façade principale qui donne au nord. Les chambres du rez-de-chaussée sont plus discrètes, plus petites et plus fraîches. Elles assuraient calme et fraîcheur des habitants de la maison pendant les mois de chaleur de l'été. Leurs plafonds sont expressément faits plus bas de façon à faciliter le chauffage pendant l'hiver.
Peintures et fresques
Nulle part dans le Vieux Plovdiv vous ne verrez d'aussi belles décorations murales. Elles sont en excellent état de préservation, quelque part grâce aux divers occupants pendant les années. Ils s'attelaient à bien repeindre les murs. Lors de la restauration de la maison en 1974 les restaurateurs ont enlevé entre 7 et 9 couches de peinture avant d'atteindre la couche originale avec les fresques.
A l'extérieur tout comme à l'intérieur elles représentent des pilastres, des guirlandes aux motifs floraux et géométriques, des médaillons et des nature-mortes, des compositions de paysage. L'ensemble des dessin fut réalisé en 6 mois par deux maîtres de la ville de Tchirpan - Moka et Mavroudi. Dans le dessin du rez-de-chaussée pour la première fois fut utilisé un échantillon de modèle en papier pour les motifs les plus complexes. Autrement, tous les murs du second étage, qui est sensé présente le faste de la maison, sont dessinés à la main levée, y compris la partie des niches murales dites 'à la française", .
Les plafonds sont tout aussi exceptionnels - ils sont tous richement recouverts de fresques, en accord avec le mobilier et les tons de couleurs de chaque pièce.
Dans les pièces le visiteur remarquera, comme dans d'autres maisons de commerçants de cette époque (voir Koprivchtitza), des panneaux ou médaillons présentant des scènes de paysages de contrées exotiques. Elles impressionnaient les invités et mettaient en valeur l'expérience et la puissance du commerçant par ces lieux qu'il avait pour habitude de visiter et qui restaient inaccessibles pour le commun des mortels. On peut ainsi voir dans la maison Hindlyan des fresques avec le Pont des soupirs à Venise, le phare d'Alexandrie, le vieux Saint-Pétersbourg, Stockholm, Athènes, le Robert collège d'Istanbul, les îles des Princes.
A l'extérieur, au-dessus de la porte de la cave, est dessinée la façade de la maison comme un façon miroir. Outre la fonction décorative ce dessin était fort pratique car il servait comme plan des lieux en cas de situation d'urgence.
Mobilier
En pénétrant au second étage le visiteur est impressionné par l'espace dédiée au séjour, qui mesure et 86 m². Le mobilier et les couleurs sont assortis dans le moindre détail. Les grands tapis sont fabriqués sur mesure, cousus à la main et sont faits selon d'anciens modèles perses. Les chaises et les canapés sont molletonnés avec des tapisseries décoratives. Sur les fauteuils et le petit divan sont ainsi représentés des sujets mythologiques grecs, comme Paris et les déesses.
La fontaine en marbre qui distribuait de l'eau parfumée à la rose pour le confort des invités et le plaisir des maîtres de la maison est un véritable chic !
Dans le cabinet de travail de Stepan Hindlyan l'on remarque l'énorme bureau en bois massif avec sa bibliothèque. Ils sont l’œuvre d'un maître ébéniste de Plovdiv du début du XX siècle. Les chaises tapissées au cuir sont dans le style Biedermeier et furent créées par les apprentis de l'Ecole d’ébénisterie de Plovdiv. Dans une autre pièce aux couleurs ocre se trouve un ancien piano allemand de la marque H.Lubitz, ensemble avec un ancien gramophone qui fonctionne encore.
Le propriétaire des lieux avait une petite table en bois spécialement réservée à ces cigares, avec une guillotine à cigares. Du même bois est fabriquée une table mobile pour le service du buffet froid. Dans l'une des pièces pour invités l'on peut voir un plateau avec ses petits tasses en argent et une carafe en verre finement travaillé pour les liqueurs. On en trouve seulement deux autres carafes de ce modèle en Bulgarie, faites elles en verre bleu.
L'un des objets les plus insolites au second étage est la table-tableau. Le tableau est réalisé en nacre sur la surface mobile de la table. Lorsqu'elle est redressée elle se présente comme un tableau de décoration, abaissée elle sert de table.
Salle de bain
L'une des pièces les plus remarquables dans la maison Hindlyan est la salle de bain faite en marbre et plâtre, sans équivalent ailleurs. Mélangeant les éléments de hammam oriental et hypocauste romain, elle est ornée de belles belles voûtes et se culmine par une coupole aux ouvertures permettant l'entrée de la lumière du soleil. La salle de bain était chauffée par en-dessous, grâce à des tuyaux d'argile qui véhiculaient un air chaud et débouchaient dans le sol.
Cave et dépendances
La maison est complétée par un complexe de dépendances : chambres pour les servantes, cuisine et laverie, qui se trouvent en dehors de la structure principale. La cave (le dépôt) en fait également partie. Elle se présente comme un édifice à part, sur deux niveaux, et comporte de nombreux cachettes. Elle est gardée par de grands loquets métalliques, de lourdes portes et grillages aux fenêtres. A l'étage l'on accède par un escalier secret qui menait lui vers une partie masquée. Là-bas le maître de la maison stockait son argent, en faisant suspendre à des grands crochets des corbeilles remplies de monnaies d'or, bijoux et marchandises précieuses.
Au service de la cause arménienne
La famille propriétaire habita cette maison jusqu'en 1915. Cette année elle la laissa afin qu'elle sert comme centre d'hébergement pour des immigrants arméniens qui fuyaient les massacres perpétrés par le gouvernement ottoman. Jusqu'en 1974, année de sa mise sous statut du monument du patrimoine, 23 familles arméniennes se sont relayées pour y habiter temporairement.
De ce fait la maison fut choisie comme décor pour une partie du film des frères Taviani "Le mas des alouettes" qui raconte le génocide arménien au début du XX siècle.