Le monastère Saint Kirik et Yulita est relativement inconnu même s'il se trouve à proximité de Plovdiv et du grand monastère de Batchkovo. Dit encore monastère Gornovodenski, empruntant le nom au village de Gorni Voden, quartier d'Assenovgrad, il se niche dans une forêt du massif nord des Rhodopes, surplombant la vallée de la Thrace supérieure.
Histoire
Ses origines se perdent dans la brume de l'histoire, aucun écrit le concernant n'est connu. Son apparition se rapporte probablement vers le XIV siècle où un certain nombre de monastères est apparu dans le cercle du rayonnement du grand monastère de Batchkovo, duquel ils dépendaient. Ce monastère se différencie des autres concernant son appellation. Il est nommé aux saints Kirik et Yulita (fils et mère) alors que l'église est nommée à Sainte Parascève (dite encore Sainte Petka). Cette dualité s'explique avec les phases de destruction et de reconstruction que le monastère connut pendant la période ottomane, mélangeant anciens et nouveaux patrons.
Ainsi, selon les légendes il serait établit pour la première fois à proximité d'une source miraculeuse. Par ailleurs une chapelle, dédiée à Saints Kirik et Yulita existe toujours à cet emplacement (500 mètres au nord-est du monastère actuel). Des fragments de fresques sont conservés à l'intérieur.
Une première destruction survint en 1657 lorsque le monastère fut incendié. Cet incident s'inscrit très probablement dans la vague de répression qu'a connu la région de Plovdiv et des Rhodopes au milieu du XVII siècle suite à la délation faite par le métropolite grec de Plovdiv Gabriel (qui officia entre 1640 – 1672). Celui-ci se vengea ainsi des chrétiens bulgares (en opposition contre le clergé grec, dominant l'église orthodoxe) en propageant la fausse rumeur d'une insurrection contre les Ottomans. Ces derniers détruisirent à cette occasion 218 églises et 33 monastères, dont Saints Kirik et Yulita. Une autre note de cette période, signé par un pope nommé Méthode Draguinov, inscrit cet événement dans le cadre d'une campagne d'islamisation de la population chrétienne dans cette partie des Rhodopes. Les deux sont probablement liés.
A la suite de cet incident un nouveau monastère fut construit à l'emplacement actuel, nommé cette fois à Sainte Petka (Sainte Parascève, le nom de l'église). Mais en 1810 survint, comme en toute la Bulgarie, la troisième vague dévastatrice d'attaques et de pillages des bandes appelés Kardjalii. Cette fois les deux monastères furent mis à sac et incendiés.
Entre 1816 et 1834 s'entama le rétablissement du monastère. L'église actuelle fut construite, puis officiellement inaugurée le 15 octobre 1850. Très bel édifice en pierres, en forme de croix, avec trois absides et une coupole octogonale. Le toit est recouvert d'ardoises. Elle se rapproche beaucoup de l'église principale du monastère de Batchkovo qui date de 1604. A l'intérieur l'espace est composé d'un vaste vestibule, d'un naos, d'un autel avec abside et de deux conques latérales. Les nombreuses arcades et voûtes intérieures, recouvertes de fresques, donnent un aspect solennel du lieu, parachevé par une belle iconostase en bois sculpté. Le puits monastique se trouve derrière l'apside de l'église.
Au rétablissement du monastère s'ouvrit également un couvent de sœurs, qui en dépendait. Il était localisé dans le village de Gorni Voden, en contre-bas. Le couvent abrita quelques anciennes icônes du monastère, peintes en 1834.
L'élan de renouveau prit rapidement un goût amer puisque le monastère, dans le cadre des luttes séculaires entre l'église bulgare et l'église grecque, et dans le contexte d'une Bulgarie encore sous l'emprise ottomane, fut placé sous le domaine de compétence de l'Eglise grecque et ne put s'en libérer qu'en 1930 !
Par ailleurs la longue période de gestion du monastère par le clergé grec est l'une des causes des difficultés qu'on rencontre aujourd'hui pour étudier son histoire et son patrimoine dans la période entre le XIV et le XVII/XIX siècle. Beaucoup de sources relatives à la culture bulgare furent détruites par les moines grecs, seule une inscription commémorative gravée sur la fontaine en pierre (1696) dans la cour monastique témoigne du caractère bulgare du monastère.
Il est fait mention dans quelques anciens écrits que dans le monastère Gornovodenski, au début de son existence, étaient formés des prêtres qui officiaient ensuite ailleurs. L'un d'entre-eux, Sidor, s'installa pendant le XVI siècle dans le monastère voisin Kouklenski où il fit une belle copie des quatre évangiles.
Fresques
Les fresques qui recouvrent l'intégralité de l'intérieur de l'église Sainte Parascève furent réalisées entre 1847 et 1850, période de grand renouveau des églises et des monastères orthodoxes en Bulgarie. Leur auteur principal est le peintre iconographe Alexi Atanasov, nom connu de son époque, ayant perfectionné sont art dans les ateliers iconographiques du mont Atos.
Les fresques représentent beaucoup de scènes des évangiles dont la majorité comporte des personnages multiples ainsi que des scènes biographiques des patrons du monastère Saint Kirik et sa mère Sainte Yulita. Elles furent réalisées avec une certaine vivacité, cherchant à traduire la dynamique du vécu psychologique des personnages bibliques tout en les plaçant dans un décor réaliste. On y découvre quelque part une influence de l'ancienne tradition picturale italienne.
Un trésor dans l'église est la multitude d'icônes dont un certain nombre sont représentatifs pour l'ancien style iconographique bulgare. 6 icônes sont peintes par le célèbre Zakhari Zograf (qui œuvra aussi dans les monastères de Rila, Batchkovo et Troyan) mais aussi les fresques dans le vestibule.
La réalisation des fresques a été financée par des dons privés, essentiellement de chrétiens bulgares des environs de Plovdiv et Assenovgrad, ainsi que par quelques guildes d'artisans.
Fait curieux : il existe deux dalles en pierre sur le sol qui sont gravées avec des symboles de l'ordre des Templiers. Elles ne sont pas visibles puisqu'elles sont cachées sous des tapis.
Vie nouvelle
On peut dire que le monastère Gornovodenski traversa un certain nombre de périodes troubles courant le XX siècle. Tout d'abord, encore sous domination grecque, il subit en 1924 une vaste incendie qui provoqua de grands dégâts, suivis par ceux causés par un tremblement de terre survenu en 1928.
Dans la période entre 1920 et 1930 il revint quelque peu à ses heures d'origine puisqu'il abrita une école théologique qui formait des prêtres.
Mais en 1943-44 ses bâtiments furent réquisitionnés pour servir comme centre de détention pour des prisonniers politiques (communistes et opposants aux régime pro-allemand du gouvernement de Bogdan Filov). Ouvert en août 1943, il concentrait jusqu'à 125 détenus avant d'être fermé en automne de la même année. En mars 1944 il rouvrit, cette fois comme centre de détention pour femmes. En juillet de la même année il était utilisé pour la détention de prisonniers de guerres soviétiques qui s'étaient échappés des convois allemands. Le centre fut définitivement fermé après l'instauration du régime communiste le 9 septembre 1944.
Le pouvoir communiste abandonna le monastère, puis le reprit à nouveau, cette fois pour y installer un sanatorium psychiatrique dans les années 1960.
En 1981, l'Union des Architectes obtint le droit de restaurer le monastère et de l'utiliser pour ses propres besoins, notamment comme complexe hôtelier, à l'usage réservé. L'année suivante l'Union entama un chantier de reconstruction et de transformation du monastère pour le compte de l'Académie internationale d'architecture (organisation dépendant d'Unesco, dont le siège se trouve à Sofia, Bulgarie). Officiellement inauguré en septembre 1985, il fonctionna comme un hôtel 3 étoiles jusqu'en 2010. L'aspect monastique et l'église ne servaient alors que comme décor.
En novembre 2010 et à la suite d'un procès l'Église récupéra la propriété du monastère Gornovodenski et obligea l'Union des Architectes à quitter les lieux. Aujourd'hui le monastère est officiellement fermé au public. D'une part l'Église a souhaité mettre terme à la vocation touristique, d'autre part elle y mène des travaux de réaménagement afin de l'adapter à une future vie monastique. Une partie du complexe hôtelier est conservé pour les besoins des pèlerins.
Une opération de restauration de l'église et ses fresques a été entreprise en 2014.
Accès
Uniquement en voiture ou autre moyen de transport privé. La bifurcation se trouve à l'entrée d'Assenovgrad, en venant de Plovdiv, pour aller au quartier Gorni Voden. Des panneaux d'indication sont placés. Le chemin vers le monastère traverse Gorni Voden puis sinue dans les hauteurs des Rhodopes. Il est très étroit, avec des virages très serrés. Des gardiens s'occupent de filtrer l'accès qui est à priori interdit mais vous pouvez toujours tenter votre chance :)