La période romaine marqua la péninsule des Balkans entre l'an 45, lorsque les Romains entrèrent victorieux en Thrace et le VI siècle où l'empire céda petit à petit sous les invasions de nouvelles tribus arrivées du nord. La conquête des terres thraces fut un processus qui d'étala sur plus de 200 ans.
Après avoir d'abord soumis la Macédoine l'Empire romain élimina méthodiquement l'une après l'autre les unions tribales thraces, en les combattant directement, en concluant des alliances ou créant des tensions entre tribus afin qu'ils s'affaiblissent entre elles.
La conquête s'est déroulée en deux étapes, d'abord le contrôle fut établi sur les terres au nord de Stara Planina (le Balkan), sur la plaine du Danube (future région romaine de Mésie), puis au sud de Stara Planina (future région romaine de Thrace). Pour connaître les événements sur l’avènement de l'Empire Romain lisez l'article La Conquête romaine des terres thraces.
La conquête des terres thraces de la partie centrale de la péninsule des Balkans s'est achevée en l'an 45. Les provinces instituées par les romains étaient alors la Macédoine (Macedonia, sud-ouest), la Mésie, (Moesia, au nord de Stara Planina) et la Thrace (Thracia, au sud de Stara Planina). Le Danube faisait office de frontière du nord. Son rôle sécuritaire était très important et les Romains y consacrèrent des moyens considérables. En effet, les hivers très rudes et le gel du Danube permettaient des invasions massives de barbares (germains, celtes, gétodaces) qui pénétraient dans la plaine du Danube.
La province impériale de Moesia s'est constituée en l'an 12. Elle se situait initialement dans les terres de la Bulgarie du nord-ouest et de la Serbie orientale. Cette région était délimitée au nord par le Danube, à l'est jusqu'aux vallées des rivières Vit et Ossam, au sud jusqu'aux hauteurs de Hémus (Stara Planina) et à l'ouest jusqu'à la rivière Morava.
La constitution de la province de la Thrace en 45 (sous Claude, 41-54) permit l'élargissement de la Mésie à l'est jusqu'à la rivière Yantra (Véliko Tarnovo)(sous Néron, 54-68), puis alla jusqu'à englober tous les territoires du nord-est (sous Les Flaviens, 69 -96), excepté le littoral maritime d'Odessus et Dionysopolis (Varna / Baltchik) qui était rattaché à la Thrace.
En 86 la Mésie fut séparée en deux nouvelles provinces Moesia Inferior et Moesia Superior. Effectuée par Domitien, cette séparation s'est imposée autant par de raisons administratives et économiques que par l'éventuelle menace militaire sur le trône que pouvaient représenter les 4 légions stationnées dans cette province éloignée. La Mésie Supérieure allait de la rivière Morava, en Serbie, jusqu'à la rivière Tzibritza (région de Montana), à l'est. La ville principale était Naissus (Nich, Serbie). La Mésie Inférieure comprenait les terres entres Tzibritza jusqu'à la mer Noire, en suivant le lit du Danube; au sud la délimitation avec Thrace était Stara Planina. La capitale provinciale était établie à Tomi (Constanța, Roumanie), au bord de la mer Noire.
Des légions romaines étaient stationnées en permanence dans les grandes villes de Mésie et dans quelques camps militaires. De l'ouest à l'est les forces romaines étaient disposées dans cet ordre :
- Legio IV Flavia à Singidunum (Bélgrade),
- Legio VII Claudia à Viminacium (Kostolac, Serbie)
- détachements à Sirmium (Sremska Mitrovica, Serbie),
- le centre de la flotte danubienne sur l'amont du Danube était stationnée à Ratiaria (village d'Artchar, Bulgarie),
- détachements auxiliaires à Almus (Lom, Bulgarie) et Augusta,
- Legio V Macedonica à Ulpia Oescus (village de Gigen),
- Legio I Italica à Nove (Svichtov),
- port de la flotte danubienne à Sexaginta Prista (Roussé),
- Legio XI Claudia à Durustorum (Silistra)
Outre ce fort contingent militaire la frontière danubienne était défendue par un réseau de forteresses, camps militaires, villes et villages avec fonctions militaires renforcées (comme Montana et Abritus (Razgrad)). Le long de Danube la défense était renforcée par un fossé défensif ponctué par un val avec palissade et tours. En Mésie inférieure étaient stationnés 18 000 légionnaires, en Mésie supérieure 12 000, sans compter les troupes auxiliaires (constituées des populations thraces locales) qui sont estimées à 12 000 hommes. En comparaison avec les garnisons stationnées en Thrace (2 000 légionnaires), on voit bien l'importance stratégique qu'accordait Rome au Limes danubien.
La province de la Thrace était formée par le territoire du Royaume des Odryses et les terres de la Thrace du sud qui faisaient partie de la province de Macédoine jusqu'en 45, ensemble avec les îles Thasos et Samothraki. Le Chersonèse de Thrace en était exclus car il avait le statut de domaine impérial. A l'ouest de la partie inférieure de la vallée de la Mesta commençait la province de Macédoine qui allait jusqu'à l'Adriatique, au sud de la Dalmatie; sa frontière du nord passait au sud de Scupi (Scopje, FYROM).
Cette concentration militaire romaine dans la plaine du Danube amena à la propagation du latin. Il n'en fut pas ainsi au sud de Stara Planina où le grec demeura d'usage (même officiel) pendant toute la période romaine en Thrace (une seule inscription latine est trouvée à ce jour à Plovdiv, capitale de la province, relative au Thesaurus (le trésor public)).
Les Romains entreprirent un vaste aménagement du territoire conquis : routes, villes, marchés, ponts, réseau postier avec ses stations, tours de garde et de signalisation, puits et fontaines. Le réseau routier était nettement amélioré, qu'il s'agit de l'amélioration des routes thraces ou le traçage de nouvelles. Les "autoroutes" romaines étaient impressionnantes : 6 à 8 mètres de large et un socle de 4 couches : terrassement, gravier avec du mortier, couche entière de mortier, dalles / blocs taillés de pierre.
Sous l'époque de Trajan (98-117) et dans le contexte de ses campagnes contre les Daces les Romains construisirent 8 ponts sur le Danube (en Mésie), dont 2 massifs et 6 pontons (à titre de comparaison le premier pont des temps modernes entre la Bulgarie et la Roumanie reliant Roussé à Giurgiu vit le jour en 1954, et le second en 2013 entre Vidin et Calafat. Les Romains demeurent les seuls à ce jour à avoir tracé une route tout le long de Danube (et qui n'existe plus) et d'avoir ainsi créé un réseau routier efficace dans la plaine du Danube.
Les légions romaines étaient chargées de ces travaux de construction. En temps de paix toute la vie quotidienne était structurée de manière à être utile à Rome (beaucoup de la production de briques par ex. s'est faite dans les légions). La présence romaine a également profondément façonné le paysage urbain : thermes, chauffage central dans les édifices, théâtres, temples, canalisation.
Au II siècle, après que Trajan eut définitivement défait les Daces menés par Décébale il instaura une nouvelle province - Dacia. Il s'ensuivit alors une période de stabilité relative où les Romains continuèrent à urbaniser les terres thraces.
Entre l'an 150-160 ces territoires firent l'objet d'invasions de tribus germains et vandales, principalement en provenance du nord-ouest. Marc Aurèle (161-180) repoussa les envahisseurs mais l'Empire s'est aussitôt vu confronté aux invasions des Costoboces et des Sarmates en Thrace du nord. Ces derniers ont causé des destructions considérables sur un large périmètre, en prenant aussi des villes bien fortifiées. Pour ces raisons, sous Marc Aurèle, dans un certain nombre de villes (comme Serdika (Sofia) ou Philipopolis (Plovdiv) par ex.) l'enceinte défensive fut considérablement agrandie et consolidée, voire doublée.
Jusqu'aux invasions des Gots en 250 les provinces thraces de l'Empire connurent une période de paix, bénéfique à la vie socio-économique intérieure. En 212 Caracalla promulgua une nouvelle constitution romaine (Constitutio Antoniniana) qui donna à tous les hommes libres (non esclaves) la citoyenneté romaines et les droits jusqu'alors octroyés aux seuls citoyens romains. Cela permettait au fisc romain d'inclure un grand nombre de nouvelles sources de recette pour améliorer le budget d'état.
Le IIIe siècle marqua le début du long retrait de l'Empire romain des terres thraces sous les assauts puissants des Gots. Malgré les efforts déployés et les moyens considérables engagés dans le maintien du Limes danubien, les Romains n'arrivèrent jamais à stabiliser cette frontière du nord.
En 242 et 250 les Gots causèrent des dégâts importants aux système défensif danubien et aux zones urbanisés en Thrace du nord. En 250 ils arrivèrent même à passer Stara Planina et après avoir défait l'armée romaine à Augusta Trajana (Stara Zagora) ils continuèrent vers Philipopolis (Plovdiv), qu'ils assiégèrent et prirent avant de se retirer à nouveau vers le nord. L'Empire romain en fut secoué. L'empereur Dèce Trajan se mit lui-même à la tête d'une armée romaine et partit à la poursuite des Gots fin de les défaire et récupérer leur butin. S'ensuivit une autre grande défaite, près d'Abritus (Razgrad), où Dèce et perdirent la vie. Les Gots, en revanche, s'installèrent dans la province de Dacia et harcélèrent régulièrement les terres thraces au sud du Danube. Même si Claude II leur infligea une lourde défaite en 269 près de Naissus (Nich, Serbie), globalement cela ne pesa pas beaucoup dans le rapport de force entre Rome et ces tribus germaniques. En conséquence, en 271 Aurélien (Lucius Domitius Aurelianus) fut contraint d'abandonner la province de Dacia et de la recréer au sud du Danube en prenant des bouts des territoires de Mésie et de Thrace.
Après l'instauration du Dominat en 285 par Dioclétien et Maximilien et la séparation de l'Empire romain en Occidental et Oriental le rôle de la Thrace est devenu plus important. Les Thraces sont devenus la source principale pour le recrutement dans l'armée et la base économique dans les grandes villes comme Serdica (Sofia) ou Byzantium (Constantinople). Avec Philipopolis (Plovdiv) ces deux villes étaient les centres administratifs principaux. Après le transfert de la capitale romaine à Constantinople en 330, la proximité de la Thrace lui assura sa prospérité. Lorsque Constantin le Grand (323-337) instaura le christianisme comme religion officielle, la Thrace fut l'un des premiers territoires à l'adopter.
Les invasions barbares du nord n'étaient pas de simples incursions militaires. Il s'inscrivaient la plupart du temps dans le contexte de migrations massives de populations en quête de meilleurs conditions de vie. Les efforts des Romains à les repousser se sont soldées finalement par un échec. L'installation progressive de groupes de nouvelles populations conduisit au recul et à la disparition de l'Empire romain de la péninsule des Balkans vers le VI siècle. Cette époque correspond à l'arrivée massive des Slaves qui plus tard, avec les Bulgares et les populations thraces présentes sur place (les Gètes), allaient poser les bases pour la création de l'Etat bulgare à la fin du VIIe siècle - la Bulgarie danubienne du khan Asparouh.