Auberge Hadji Nikoli, Véliko Tarnovo
L'auberge de Hadji Nikoli est l'un des meilleurs exemples de la belle architecture du 19e siècle à Véliko Tarnovo et la seule des 70 auberges de cette époque qui a réussi à traverser le temps. Elle fut construite entre 1858 et 1862 par le grand maître bâtisseur bulgare Kolyu Fittchéto (Nikola Fitchev de son vrai nom) dans la principale rue artisanale et commerçante de la ville, dite Samovodska tcharchia. L'édifice est considéré comme un chef-d'oeuvre architectural de la période du Renouveau bulgare.
Histoire
La construction de l'auberge fut commandée par une figure locale de son temps, l'illustre commerçant de Véliko Tarnovo hadji Nikoli Dimov dit Mintchoglu. Son commerce principal était dans le domaine du cuir et il possédait des officines à Roussé, Bucarest, Vienne, Odessa et Istanbul. Grand patriote, il était activement engagé dans la lutte pour l'indépendance de l'église bulgare (sous le chapeau de l'église grecque pendant la période ottomane) et dépensa pratiquement toute sa fortune (plus de 500 000 pièces d'or) pour soutenir ce combat.
Dans les pièces en pierre taillée le commerçant stockait ses importations de biens industriels depuis l'Europe occidentale et du Proche Orient ainsi que la production achetée aux artisans de Véliko Tarnovo. Plus tard il y installa quelques ateliers de production. Dans les pièces de l'aile sud-ouest, situé en rez-de-chaussée, étaient disposés des magasins. Dans les quelques années précédant la libération de la Bulgarie de l'empire ottoman (1878), le bâtiment était utilisé comme fabrique de transformation de feuilles de tabacs, propriété de l'industriel Slavtcho Hadjipaskalev. Après la libération et pendant de nombreuses années les différentes pièces de l'auberge ont été utilisées comme des ateliers, louées par des modestes artisans.
Architecture
C'est une auberge aux espaces volumineux, située sur un terrain à forte dénivellation, avec une différence de 9 mètres entre les points opposés. Elle dispose d'une cour fermée, longue mais de faible largeur et cernée de trois côtés : au nord-est avec une aile de deux étages et rez-de-chaussé, au sud-est avec une aile d'un étage et rez-de-chaussée et au sud-ouest un niveau au rez-de-chaussée abritant des magasins et des ateliers. Selon une photo des archives de l'historien Konstantin Jireček le bâtiment aurait disposé d'une aile de deux étages au nord-ouest. Les ailes au nord-est et au sud-est sont déployées à la façon des caravansérails, avec une suite de pièces reliées par un couloir étroit, ouverte vers la cour intérieure. L'aile située au sud-ouest, composée d'un rez-de-chaussée, a été ajoutée plus tard, compte tenue de sa méthode de construction différente. Elle se présente comme une suite de pièces donnant sur la rue et ayant un passage vers la cour intérieure.
L'ensemble de la construction est massif, composé de briques, de pierres et de fer, selon les prescriptions de l'époque relatives à la sécurisation du stockage des marchandises contre des incendies. A cette époque très peu de bâtiments étaient sécurisés contre le feu, en raison de leur ossature en bois. Ici, toutes les fenêtres de l'auberge sont dotées de volets en fer et les portes au rez-de-chaussée sont entièrement en fer ou habillées en tôle sur les étages. Les ateliers et magasins étaient également protégés par des grands volets qui se repliaient d'une manière semblable aux rideaux de fer actuels.
Les murs sont construites en pierre grossièrement taillée, les planchers sont faits en briques. Tous les murs sont porteurs et les espaces inégaux crées par les couloirs entre les colonnes sont renforcées par des tendeurs à section carrée.
L'auberge est l'une des meilleures réalisations du maître bâtisseur Kolyu Fitchéto, au sommet de son art.
Courant le 20e siècle
Depuis sa création l'auberge subit quelques modifications. En 1929 l'aile située au sud-ouest fut impactée lors de l’agrandissement de la rue selon le plan d'urbanisation de 1907 et la construction de l'ancienne Poste. A cette occasion des colonnes en pierres ont été déplacées et accolées aux murs des magasins, un nouveau mur aux arcades aveugles en forme elliptique fut créé, superposé par un auvent en bois et les magasins existants furent transformés en garages. Dans certaines pièces un plancher supplémentaire en bois fut posé. Ces pièces servaient d'habitation à de jeunes hommes.
A l'arrivée du pouvoir communiste la fonction d'auberge fut terminée, le bâtiment fut nationalisé.
En 1970 l'ancienne auberge devint lieu d'exposition du musée de Véliko Tarnovo "Vazradjané" (Renaissance) et ceci jusqu'en 1987. Ensuite l'édifice principal fut cédé au Musée national d'architecture alors que les magasins et ateliers furent affectés à l'entreprise d'état "Samovodska tcharchia", qui était mandaté pour gérer ce qui fut jadis la rue commerçante.
En 1992 (l'abandon du régime communiste survint en 1989) l'auberge fut restituée par l'Etat aux héritiers de hadji Nikoli.
Histoire récente
En 2006 le petit-fils de hadji Nikoli, Vassil Nikoliev, vendit l'auberge à un officier à la retraire de l'armée américaine - Edmund Beck. Celui-ci entama sans tarder un chantier de restauration et de conservation de ce monument du patrimoine, malheureusement arrivé à un état de dégradation notable.
Les colonnes sableuses et les ornements architecturaux ont été remis à leur état d'origine suivant des méthodes artisanales spécifiques. La façade extérieure fut restaurée alors que les espaces intérieurs ont été adaptés pour supporter un nouveau plan d'utilisation.
En 2010 l'auberge gagna le prix spécial du jury dans le concours national "Édifice de l'année" en raison de l'investissement réalisé pour la sauvegarde du patrimoine, ainsi que le prix du public.
Courant mars 2010 l'auberge Hadji Nikoli rouvrit ses portes au public. Aujourd'hui elle remplit plusieurs fonctions. Dans la cour intérieure se trouve un café, façon terrasse. Dans la partie fermée : un restaurant plutôt haut de gamme avec une excellente carte de vins. A l'étage : des salles d'expositions temporaires et au dernier étage : une galerie d'art.