Eglise basilique Sainte-Sophie, Sofia
L'église basilique Sainte-Sophie (Svéta Sofia en prononciation bulgare) est une très grande église, remarquable par son allure imposante aux briques rouges, à proximité immédiate de la cathédrale Saint Alexandre Nevski, à Sofia. C'est grâce à elle que la capitale bulgare se nomme aujourd'hui Sofia (auparavant Serdica (romain) ou Triaditsa / Sredets (bulgare)) puisque la grande renommée de cette église fit que son nom s'identifia avec l'appellation de la ville vers le milieu du XIVe siècle.
Le temple aujourd'hui se présente sous la forme d'une grande basilique cruciforme avec trois nefs et trois autels massifs. La basilique Sainte-Sophie est l'un des monuments significatifs de la période néo-chrétienne en l'Europe du sud-est et se classe comme un monument du patrimoine d'importance mondiale.
Son intérieur est totalement dépouillé de fresques. Quelques fragments d'enduit indiquent que ses murs en était recouverts mais les destructions au fil des siècles ont fait que rien de cela ne soit parvenu à nos jours. Néanmoins il est très joli, dominé par cette brique rouge ancienne (les connaisseurs l'associeront à l'Eglise rouge près de Pérouchtitsa) à qui profite le grand espace.
Une série d'études archéologiques et historiques mènent à son aspect actuel, parachevé dans les années 1980-1990, au plus près de l'original de la période de l'Antiquité tardive et du Moyen-âge. Au pied de sa façade sud est érigé le Mémorial dédié au soldat inconnu où brûle un feu éternel.
Dans le jardin du côté sud se trouve la tombe de l'écrivain bulgare Ivan Vazov.
Histoire
A son endroit existait dans l'Antiquité une nécropole païenne (thrace) (il faut noter que dans le passé (et jusqu'à la fin du XIX siècle) la zone où se situe l'église se trouvait en dehors de la ville, dans sa périphérie. Le centre-ville antique se trouvait là où se trouve actuellement la Présidence de la république. Ce cimetière antique fut repris par les premiers chrétiens qui y ensevelirent leurs défunts et les martyres pour la foi. Pour leurs besoins les premières églises apparurent à cet endroit dans les toutes premières heures de la chrétienté. Des vestiges d'un théâtre romain datant du II siècle ont été trouvé sur le site mais prédomine sur l'ensemble de la période historique la fonction de nécropole puis de temple.
Le règne de Constantin Ier et l'essor du christianisme marquent les débuts de l'église Sainte-Sophie, construite comme église martyrium au début du IV siècle (supposé après les édictes de l'an 311 et 313). Elle accueillit, avec l'église rotonde Saint-Georges, les débats dans le cadre de l'important Concile de Sardique (Serdica) en l'an 343. Des aménagements et des reconstructions périodiques furent effectués jusqu'au VI siècle ou l'église fut sensiblement détériorée suite aux invasions barbares des Huns et des Goths. Justinien Le Grand lança alors une campagne de restauration architecturale et consacra l'église au nom de Ἁγία Σοφία / Hagía Sophía / Suprême Sagesse Divine qui devint par l'usage Sainte-Sophie. Cette appellation est directement influencée par la magnificence de la grande église éponyme de Constantinople.
Les théologiens relient Hagía Sophía / la Suprême Sagesse Divine avec le Second visage de la Sainte Trinité : Dieu Verbe / Logos (le Fils, Jésus-Christ). Cette idée est en rapport direct avec l'Incarnation de Dieu dont le début est fixé dans le Nouveau Testament par l'annonciation de la bonne nouvelle (la future naissance du Christ) par l'Archange Gabriel. L'église orthodoxe célèbre cet épisode le 25 mars comme l'Annonciation. En ce sens la seule homélie et office religieux de la Sainte-Sophie se font le 25 mars.
La conquête des Bulgares se répandit dans les terres byzantines et en l'an 809 le khan Kroum prit la ville de Serdica (qui s'appellera désormais Sredetz) et inclut ce territoire dans les limites du Premier royaume bulgare. Pendant le règne du knyaz, puis roi, Boris Ier qui instaura le christianisme en religion officielle chez les Bulgares, l'église Sainte-Sophie continua a jouer un rôle actif. Elle était souvent utilisée pour les cérémonies funéraires du à sa proximité avec le nécropole. Pendant le période du Second royaume bulgare elle devint siège du métropolite et recevait des dons généreux de la part du souverain local le sebastocrator Kaloyan (celui-même qui figure dans les fresques de l'église de Boyana).
Période ottomane
Lors de la conquête ottomane la ville fut prise à son tour et l'église Sainte-Sophie fut substantiellement détériorée. Ensuite elle fut transformée en mosquée, comme beaucoup d'autres dans les terres conquises par les Ottomans. Un bref retour vers le christianisme advint en l'an 1443 lorsque l'Armée chrétienne unie menée par Ladislas III Jagellon (Władysław III Warneńczyk), roi de Pologne et Jean Hunyadi entra à Sofia et chassa les Ottomans. Pour une courte durée la fonction d'église fut rétablie et son métropolite était assigné à la fonction de Gouverneur de la ville.
Un fort tremblement de terre survenu au XV siècle détruisit partiellement l'édifice et il fut laissé à l'abandon. Dans la première moitié du XVI siècle, un pacha d'origine croate Siavosh ordonna sa reconstruction en tant que mosquée. En 1818 et 1858 deux autres forts tremblements de terre détériorèrent à nouveau le bâtiment. Lors du second, le minaret s'effondra et tua quelques fidèles. Une rumeur se propagea entre les musulmans qui racontait que le dieu des infidèles était en colère. Ils décidèrent alors de ne plus entreprendre sa reconstruction en mosquée. Le temple fut délaissé et devint un dépôt.
A la libération
Située à l'endroit le plus élevé de la ville, c'est devant l'édifice de l'ancienne église et mosquée où le 4 janvier 1878 furent accueillis dans la joie et avec les honneurs les troupes russes menées par le général Gourko. L'édifice délabré n'ayant aucune partie convenable pour un clocher, une cloche était accrochée à un grand arbre se trouvant devant. Elle sonna solennellement pour annoncer la libération du joug ottoman.
Dans les premières années après la libération l'ancien temple continua à fonctionner comme dépôt, essentiellement pour stocker l'huile pour les lanternes de Sofia. Après la démolition de la tour à l'horloge à Sofia en 1882, les pompiers de Sofia installèrent leur point d'observation sur le toit de l'église Sainte-Sophie. Il fut proposé à un moment par un conseiller municipal que l'église soit détruite afin que le matériau soit utilisé dans la construction de la cathédrale Saint Alexandre Nevski.
Au début du 20e siècle et jusqu'aux années 1930 une série d'études historiques et archéologiques furent menées sur le site du temple. Une restauration intégrale fut entreprise et le 21 septembre 1930 l'église Sainte-Sophie fut officiellement ouverte lors d'un service religieux inaugural par le métropolite de Sofia Stéphane accompagné par métropolites, évêques, archimandrites et autres dignitaires de l'église orthodoxe bulgare. L’événement était de la plus haute importance. Il se déroula en présence du roi Boris III, le knyaz Kiril et la princesse Evdokia, le premier-ministre Andreï Lyaptchev, des ministres, le président de l'Assemblée nationale, le maire de Sofia Vladimir Vazov (frère du poète et écrivain Ivan Vazov), de nombreux hauts fonctionnaires et des milliers d'habitants de Sofia.
Etudes archéologiques
En 1910-11 le professeur Bogdan Filov, l'un des pères de l'archéologie bulgare, découvre la structure de la plus ancienne église au sein de l'édifice. Elle se composait d'un nef, avec abside et deux panneaux (un dans l'abside, "Le Paradis", découvert en 1983 par le professeur V.Dobrouski et l'un dans le naos, dans la partie occidentale, avec motifs géométriques, étudié par le professeur B.Filov). Cette première église fonctionna probablement jusqu'aux invasions des Goths dans la période entre 376 et 382.
Après la remise en état et en service de 1930 de nouvelles études archéologiques furent entreprises et qui continuent jusqu'à nos jours. Le professeur B.Filov entama à nouveau son étude et sa restauration, aidé par l'architecte Alexandre Rachenov. En 1955, ensemble avec l'église rotonde Saint Georges, l'église Sainte-Sophie est placée sous le statut protégé du monument du patrimoine.
Les études menèrent à la découverte d'une seconde église, sous la forme d'une basilique à trois nefs avec une abside du côté oriental (de type syrien). Pour le nef central était utilisé le naos de la première église. La construction de cette seconde église est rapportée au règne de l'empereur Théodose Ier (Flavius Theodosius Augustus) (379-395). Sa destruction survint vers la fin du IV siècle.
La troisième église qui fut découverte se présentait à nouveau comme une basilique à trois nef, avec un narthex et une abside du côté oriental, comme une extension de la seconde église. Le sol était recouvert de mosaïques polychromes présentant des motifs géométriques et floraux. La datation de cette église la situe entre la fin du IV siècle et le début du V siècle. Sa destruction (qui mena à sa restauration par Julien le Grand au VIe siècle) est reliée à la grande invasion des Huns du milieu du V siècle.
A l'occasion de la construction du mémorial dédié au soldat inconnu, les ouvriers découvrirent un vaste réseau de catacombes relatives à la période néo-chrétienne (IV siècle). Elles s'étendaient également sous les fondations de l'église et des travaux archéologiques d'étude et mise en valeur ont été menés jusqu'en 2013.
Les malentendus autour de Sainte Sophie
Le jour de Sofia
Après la chute du régime communiste, pendant le mandat du maire de Sofia Alexander Yantchoulev (1991-1995) il fut arrêté que le Jour de Sofia serait officiellement fêté le 17 septembre.
A cette date, selon le calendrier chrétien sont célébrées les trois martyres pour la foi chrétienne, les filles de Sainte Sophie de Rome : Foi, Espérance et Charité (en bulgare Vyara, Nadejda, Lubov).
L'histoire de Sainte Sophie de Rome est la suivante : après la naissance de sa troisième fille elle se retrouva veuve et éleva seule ses enfants dans l'esprit droit chrétien. A son époque les chrétiens furent persécutés, humiliés et assassinés. L'empereur romain Hadrien prit connaissance de leur vertu et les convoqua dans son palais. Il leur proposa une vie opulente et toute sorte de richesses à condition qu'elles abandonnent leur foi, ce qu'elle refusèrent et s'ensuivirent leurs tortures. La première à succomber sous l'épée romaine après avoir enduré toutes les souffrances fut Foi, âgée de douze ans. Le même sort atteignit les deux suivantes Espérance (10 ans) et Charité (9 ans). Leur mère, Sophie, ne fut pas torturée. Elle ensevelit ses trois enfants et passa trois jours à pleurer leurs tombes et à prier. Ainsi elle mourut. Cela advint en l'an 126. En l'an 777 leurs reliques furent transportés en Alsace.
Dans la pratique chrétienne en Bulgarie ces saintes sont pratiquement inconnues et en dehors de leur célébration par le calendrier aucun temple ou chapelle en leur honneur ne fut jamais érigée. Un rapport direct avait été fait, à tort, avec le nom de Sainte Sophie de Rome (personnage) au lieu de s'en tenir à Hagia Sophia (Suprême sagesse divine) qui donna effectivement le nom de la ville de Sofia.
La statue de Sainte Sophie
Sous le mandat du maire suivant, Stephane Sofiyanski, élu trois mandats consécutifs, une autre interprétation se matérialisa par al construction d'un monument de Sainte Sophie, que l'église qualifie de "païen". Sur un très haut pilon est posée la statue d'une jeune femme tenant dans une main une couronne de laurier (symbole antique symbole de victoire, de génie et d'immortalité), dans l'autre une chouette (symbole de la sagesse dans certaines croyances) et portant une couronne médiévale.
Se mélangent ici des symboles de l'héraldique, des mythes anciens, nouveaux et des éléments chrétiens (que l'église rejette à raison). Cette fois il n'y aucun rapport ni avec Hagia Sophia ni même avec Sainte Sophie de Rome.
La statue se situe à l'entrée de la station de métro, au milieu du grand boulevard, à l'ancien emplacement de la statue de Lénine.
Actuellement
L'église Sainte-Sophie remplit pleinement ses fonctions de temple chrétien ensemble avec celle du monument du patrimoine. En dehors des offices religieux réguliers de nombreux mariages et offices funéraires tiennent lieu à l'intérieur. C'est à Sainte-Sophie que s'élit le nouveau Patriarche de l'église bulgare.
Si aucune entrée payante n'est instaurée pour le touriste, la visite du site des catacombes est payante (de l'ordre de 6 levas (~ 3 euros), moitié prix pour les étudiants, gratuit pour les retraités (même s'ils sont des étrangers) et les handicapés).
Si vous êtes intéressés par l'histoire des lieux la visite des catacombes vaut vraiment le coup. Les visiter apporte un point de vue complémentaire et intéressant. Aussi, c'est bien le seul endroit en Bulgarie où vous pouvez voir des catacombes.