Premier royaume bulgare
La période du Premier royaume bulgare va de l'an 681 à l'an 1018. Elle connait deux étapes dans son développement : la période du khanat (dit encore khaganat, le règne des khans) de 681 à 856, et la période chrétienne de 856 à 1018 où les souverains bulgares porteront le titre Roi et la Bulgarie atteindra le rang d'empire.
Le fondateur du premier état bulgare en 681 est le khan Doulo. Après l'éclatement de la Grande Bulgarie il se dirigea avec une fraction de la population en direction du sud-ouest, vers la zone du delta du Danube. Sur place les Bulgares rencontrèrent les Slaves qui étaient les derniers à s'être établis dans l'ancienne province romaine de Mésie. Les Slaves avaient des accords avec Byzance pour la surveillance et la protection des territoires du nord-est de la péninsule des Balkans. Initialement Byzance tolérait la présence des Bulgares mais les rapports qu'ils établirent avec les Slaves commencèrent à l'inquiéter et une expédition militaire fut organisée par Constantinople dans le but de les déloger du delta du Danube. La bataille se produit en 680 près d'Ongala (auj. Niculiţel, Roumanie) et l'armée byzantine fut battue. Byzance ne put qu'accepter ses nouveaux voisins même si elle refusait de reconnaître le titre de Roi à leur souverain. Ainsi, en 681 la Bulgarie est née et le nom s'imposa. Byzance fut obligée de payer un tribut au nouveau royaume. La Bulgarie et Byzance auront des relations compliquées durant le Moyen-Âge. Tour à tour allié et redoutable adversaire, la Bulgarie creusera le territoire byzantin.
Premièrement la capitale étaiet établie à Ongala mais ensuite elle fut transférée à Pliska où fut construit le palais. Au khan Asparouh succède le khan Tervel. Il établit des relations diplomatiques avec Byzance, notamment avec Justinien II Rhinotmète (signifie le nez coupé), l'empereur déchu, qu'il allait aider à regagner son trône. En récompense la Bulgarie obtint la région dite Zagorié qui correspond à la région actuelle de Stara Zagora et à l'est jusqu'au littoral, sans comprendre les villes maritimes. Justienien II promit aussi sa fille, alors enfant, en future épouse au khan et lui donna le titre honorifique de Khessar (second après l'empereur). Cependant, en 708 Justinien II lèva une armée pour attaquer Tervel et subit une défaite à la bataille d'Anhialo. Sans rancune, le khan Tervel lui fournira 3 000 soldats bulgares et slaves en 711 pour qu'il l'escortent dans sa fuite vers la région de Vithynia, en Asie Mineure.
En 716-717, sous le règne des empereurs byzantins Théodose III et Lion III, la Bulgarie avec le khan Tervel arriva au secours de Constantinople assiégé par les Arabes et leur infligea une lourde défaite. Durant cette période des nouveaux traités concernant la frontière d'état et le tribut payé de Byzance à la Bulgarie ont été établis. La frontière passait du rivage nord de la baie de Bourgas en direction ouest-sud-ouest, sous les hauteurs Bakadjik et jusqu'à Maritza. Les Bulgares construisirent le val dit Erkessia le long de cette frontière, afin de se prémunir d'un éventuel retour des Arabes.
Après Tervel plusieurs khans se succédèrent à la tête de l'état, une période d'instabilité s'ensuivit, marquée également par une dizaines de campagnes militaires de Byzance contre la Bulgarie. Après l'arrivée au pouvoir des khans Télérig (768-777) et Kardam (777-802) la situation se stabilisa, la succession par le khan Kroum en 802 va poser le début d'avancées puissantes pour la Bulgarie.
Si Télérig et Kardam ont préparé le terrain, Kroum fut celui qui se mit à l'ouvrage. Il attaqua le khanat des Avares au nord (qui subissait en même temps les coups de l'Empire Franc) et en 805 les territoires des Avares furent partagées entre les Bulgares et les Francs. La Bulgarie obtint les salins de Transylvanie, ressource importante. Ayant désormais la sécurité au nord, khan Kroum se lancea dans une grande offensive au sud. En 808 il se dirigea d'abord en direction du sud-ouest, sur la vallée de la Strouma et sur le retour, en 809, prit Srédetz (Serdica (l'actuelle Sofia), en ce temps la troisième ville la plus importante en Byzance après Constantinople et Thessalonique).
En 811 Byzance organise une vaste campagne militaire contre la Bulgarie au cours de laquelle son armée atteignit Pliska et l'incendia. Croyant qu'il était mis un terme aux ennuis avec les Bulgares, l'armée byzantine retourna victorieuse mais se fit piéger dans le passage de Varbitza, dans Stara Planina (le Balkan oriental). La défaite infligée par l'armée de Kroum était extrêmement lourde, l'empereur Nicéphore Ier fut tué et son fils, qui parvint à s'échapper, succomba 3 mois plus tard suite à ses blessures. Kroum ordonna qu'on fasse un bocal du crâne du Nicéphore et il en but pour célébrer sa victoire. Depuis cet épisode Kroum obtint le surnom Le Terrible. En 813 il leva une énorme armée et marcha sur Constantinople, décidé à le prendre. Sa mort subite dans le camp militaire au printemps de 814 signa l'échec de cette campagne. Durant son règne la Bulgarie fit sa première expansion territoriale importante et fédéra diverses ethnies au sein de son état.
Son héritier, le khan Omourtag (831-836), signa un traité de paix de 30 ans avec Byzance et se consacra à la consolidation des territoires acquis. Jusqu'à l'arrivée au pouvoir du khan Boris (852 - 889) les khans Malamir et Pressian augmentèrent le territoire de la Bulgarie au sud et au sud-ouest. Ils ajoutèrent toute la Thrace de la mer Égée (sans Thessalonique) et l'intégralité de la Macédoine.
Le khan Boris fut celui qui introduit le christianisme comme religion officielle en Bulgarie. Plusieurs raisons mènent à cet acte. D'une part il y avait la nécessité à fédérer les Bulgares et les Slaves, qui vénéraient des dieux différents, sous un même dénominateur spirituel. D'autre part il fallait élever la Bulgarie comme un égal parmi les grandes puissances d'une Europe chrétienne. Troisièmement cela vaudrait une reconnaissance aux souverain bulgare de porter le titre de Roi. La christianisation ne se passa pas sans difficultés. Elle rencontra de vives protestations et une rébellion de 52 familles aristocratiques se déclara, matée dans le sang. Vacillant entre l'Eglise de Rome et l'Eglise de Constantinople les Bulgares préférèrent le cadre religieux plus permissif de l'église orthodoxe et y adhérèrent. Pour cette raison la Bulgarie est aujourd'hui orthodoxe.
Constantinople vit à son tour une occasion de prendre la Bulgarie "par l'intérieur", en l'assimilant par la religion, la culture et l'écriture. Sentant ce danger, le désormais knyaz, Boris s'engagea dans une démarche de création d'alphabet propre pour les besoins du nouvel état chrétien. Il accueilla les élèves de Cyril et Méthode dans sa cour et leur fournit les moyens nécessaires pour développer ce qui sera la futur alphabet cyrillique. Une première tentative d'alphabet était faite, donnant le glagolitique, mais qui n'avait pas porté satisfaction. Ainsi la Bulgarie a su se garantir une indépendance culturelle nécessaire à son développement. Après l'adoption du cyrillique le clergé byzantin fut chassé par Boris Ier et l'office religieux était désormais tenu en slavo-bulgare qui devint par la suite la langue officielle du pays.
En 889/80 le IX Concile œcuménique de Constantinople décida d'exclure les éparchies de l'église bulgare de l'Eglise de Constantinople et permit ainsi la création d'une Eglise bulgare autonome. Boris se retira dans un monastère. Son fils héritier Vladimir-Rassaté tenta alors de rétablir les cultes païens et de supprimer le christianisme. Boris quitta le monastère, détrôna son fils, l'aveugla et le jeta en geôle. A l'assemblée nationale convoquée par Boris en 893 il est décida de nommer son second fils Siméon pour lui succéder au trône. Il fut également décidé de transférer la capitale de Pliska à Véliki Preslav.
Sous le règne de Siméon Le Grand se profilera le Siècle d'Or de la Bulgarie. Une intense activité épistolaire se développa dans de nombreux centres dans tous le pays. Le territoire de la Bulgarie s'agrandit au sud pour atteindre les frontières de Corinthe et englober toute l'Albanie actuelle. Au sud-est la Bulgarie s'étendait au-delà d’Andrinople et comprenait la partie nord des Dardanelles. En 917, près d'Aheloï, Siméon infligae une des plus lourdes défaite jamais portées à l'armée byzantine, menée par Leon II Foca. Après cette bataille Siméon se titra Roi des Bulgares et des Byzantins, égal à Empereur. Il promulgua la tête de l'Eglise bulgare en Patriarche, le plus haut rang de l'Eglise orthodoxe.
Après la mort de Siméon ce fut son fils Petar Ier qui monta au trône. Il conclut la paix avec Byzance qui lui reconnut titre de Roi (Tsar) et reconnut le rang de Patriarche dans l'Eglise bulgare. Il s'ensuivit alors la période paisible la plus longue entre les deux pays - 42 ans, le règne entier de Petar Ier. Durant cette période apparaît en Bulgarie la mouvance hérétique du prêtre Bogomil qui se propagea plus tard en France dans le mouvement des Cathares.
Après la mort de Petar Ier en 969 plusieurs rois se succédèrent et une crise politique s'installa. En 997 le roi Samouil prit la tête de l'état. A cette époque les Byzantins attaquèrent la Bulgarie et prirent tous les territoires qui correspondaient aux anciennes provinces romaines de Thrace et de Mésie. La capitale Véliki Preslav tomba. Samouil transféra la capitale à Ohrid, Macédoine. En 1014 Basile II entreprit une campagne contre la capitale bulgare. L'armée bulgare fut piégée dans un passage étroit entre les montagnes Ograjden et Bellassitza, 15 000 soldats sont fait prisonniers. L'empereur byzantin ordonna qu'ils soient éborgnés et renvoyés ainsi à Samouil qui, à leur vue, décéda d'une crise cardiaque. Basile II restera dans l'histoire comme le Bulgarctone (le tueur des Bulgares).
Après la mort de Samouil son neveu Ivan Vladislav évinça l'héritier Gavrail Radomir et régna entre 1015 et 1018. Le dernier souverain bulgare de cet époque fut Pressian II, avant que Basile II ne revienne pour soumettre l'intégralité de ce qui fut le Premier royaume bulgare. L'Empire Byzantin, l'ancien Empire romain d'Orient rétablit sa souveraineté sur la péninsule des Balkans.
Jusqu'en 1185.