L'histoire de la construction est quelque peu extraordinaire. Elle commence en 1865 lorsque Mihdat Pacha, gouverneur progressiste de la région du Danube (Roussé), décidé qu'un pont est nécessaire au-dessus de la Yantra, pour relier les routes de Roussé, Véliko Tarnovo, Svichtov et Sofia. Il consulte alors son architecte mais les délais et les coûts énoncés par celui-ci sont inacceptables pour le pacha. Estimé à plus de 3 millions de lyres (devise ottomane de l'époque), le budget est bien trop important.
Le pacha entendit dire par la suite, par quelqu'un de son entourage, qu'il existait un maître bâtisseur en Bulgarie, autodidacte, qui fournissait un très bon travail et pour un très bon prix. Le pacha fit alors des recherches et convoqua le bâtisseur Kolyu, dit Fitchéto. Il lui demanda de se pencher sur le projet du pont. Le maître demanda deux semaines pour effectuer ses calculs.
Il s'est alors rendu dans une église à Véliko Tarnovo pour acheter des cierges, qu'il a ensuite fondu et accolé l'une à l'autre de manière à élaborer une maquette de pont. Le modèle était comme celui des anciens ponts romains sauf qu'il était plat et non voûté. Ensuite Kolyu se fit un bâton et alla sonder la rivière à différents endroits durant des jours, marquant un par ici, un autre par là. Lorsqu'il termina ses calculs, il revint auprès du pacha et lui dit que la construction coûterait 700 000 lyres, pas plus, pas moins.
Le pacha, incrédule, émit des doutes sur cette proposition. Le bâtisseur lui dit alors, avec un aplomb certain, que s'il ne tenait pas sa promesse le pacha pouvait lui ôter la tête.
Le pont fut achevé dans les délais et dans le budget annoncé par Kolyu Fitchéto. Le maître reçut de grandes récompenses par la Porte (le suprême pouvoir ottoman). Il fut notamment décoré avec l'ordre de mérite "Medjidié", des primes d'argent conséquentes et des terrains dans la partie centrale de Véliko Tarnovo (aujourd'hui quartier historique Samovodska Tcharchia).