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Les victimes des Tribunaux populaires communistes en Bulgarie

1944 - 1945

Le 1er février de chaque année la Bulgarie commémore les victimes du communisme. C'est est la plus récente des célébrations officielles en Bulgarie. Elle fut instaurée le 19 janvier 2011 sur décision du gouvernement de Boïko Borissov, sur proposition de deux anciens présidents bulgares - Jélyu Jélev (1992-1996) et Pétar Stoyanov (1997 - 2002).

Une date particulièrement noire fut retenue pour marquer cette célébration - le 1 février 1945, lorsque l'élite de la classe politique bulgare fut condamnée à mort et fusillée par le tribunal populaire communiste, dont 67 députés de la 25e Assemblée nationale et les membres des trois gouvernements de la période entre janvier 1941 et 3 septembre 1944 (23 personnes). Les condamnations à mort ont été édictées à l'encontre de journalistes, militaires, membres de l'administration royale, les régents du futur roi en exil Siméon II, encore enfant,  le knyaz Kiril Preslavski (frère du défunt roi Boris III).

Session de travail du Trubunal populaire  Les victimes des Tribunaux populaires communistes en BulgarieSession de travail du Trubunal populaire

Le résultat du travail de ce tribunal "populaire" est édifiant : il condamna et mena à l'exécution 2 730 Bulgares, alors que le tribunal de Nuremberg prononça seulement 14 condamnations à mort sur les membres de l'appareil nazi et que le Japon ne condamna que 9 personnes. Ce zèle est d'autant plus étonnant sachant que la Bulgarie, alliée politique de l'Allemagne durant la seconde guerre mondiale, n'a fourni aucun appui militaire à celle-ci et n'a participé dans aucune opération militaire (sauf une opération sur des maquisards serbes).

Le 1 février 1945 la première et la deuxième chambre du Tribunal Populaire marquèrent à jamais l'histoire du Troisième royaume bulgare en condamnant en masse à l'exécution des politiciens bulgares et à des peines de prison un grand nombre d'autres personnes. Les seuls épargnés sont les membres du gouvernement de Konstanin Mouraviev, qui était au pouvoir entre le 3 et le 9 septembre 1944 (jour du coup d'état communiste). K.Mouraviev est condamné à perpétuité et ne sortit de prison qu'en 1961.

Le tribunal exceptionnel est lui-même une absurdité juridique car les condamnations communistes sont prononcées au nom de "Siméon II, roi des Bulgares", vu que ce fut toujours la Constitution dite de Tarnovo qui était en vigueur et dont les textes ne permettaient pas l'instauration de tribunaux exceptionnels.

Les politologues occidentaux définissent ces condamnations comme ayant un "caractère définitivement vindicatif" et soupçonnent (à raison, comme le démontreront plus tard les archives du Komintern russe) que ces condamnations étaient planifiées à l'étranger. Après la fin du régime en Bulgarie, le 10 novembre 1989, des archives ont été publiées et on y a retrouvé des télégrammes reçus par Guéorgui Dimitrov (égérie du mouvement communiste bulgare) de la part du Comité central du parti communiste à Moscou dans la période entre décembre 1944 et avril 1945 qui "recommandent" que "personne ne doit être désinculpé"  et aussi "Nul motif d'humanité et de magnanimité ne doit intervenir" (télégramme écrit en russe en date du 21 janvier 1945).

La plupart des historiens aujourd'hui, selon le professeur G.Markov, directeur de l'Institut d'histoire de l'Académie des sciences, s'accordent à conclure que le grand nombre de condamnés à mort témoigne que la volonté des pays victorieux de la deuxième guerre mondiale de juger les coupables a été utilisé comme un bon concours de circonstances pour la soviétisation de la Bulgarie, à commencer par la suppression de son appareil politique. Le 1 février 1945 furent fusillés plus de généraux et officiers supérieurs bulgares que ceux qui périrent dans toutes les guerres menées par la Bulgarie jusqu'à ce jour.

Les procès intentés par le Tribunal populaire débutent en décembre 1944. Les règlements de comptes sont pourtant déjà en marche. Des dizaines de milliers de personnes disparaissent sans laisser de trace, parfois même avant la déclaration de leur procès.

L'extermination organisée

L'extermination organisée Les victimes des Tribunaux populaires communistes en Bulgarie

Entre le 20 décembre 1944 et le 2 avril 1945 furent organisés 135 procès populaires, 28 630 personnes furent arrêtées, 10 919 d'entre-elles ont été accusées et jugées. Le destin de beaucoup d' autres reste un mystère. 9 155 peines furent prononcées, dont 2 730 condamnations à mort et 1 305 peines de prison à perpétuité.  

Les tribunaux étaient composés par des représentants des comités centraux et locaux du parti communiste. La nécessité d'avoir une formation juridique (ou simple qualification) ne fut pas requise pour les juges et les jurés. Des avocats se désistaient en masse pour défendre les accusés, par peur de représailles. Les "juges" suivaient à la lettre les directives imposées par le parti communiste.

Le professeur Bogdan Filov, père de l'archéologie bulgare, devant le Tribunal populaire  Les victimes des Tribunaux populaires communistes en BulgarieLe professeur Bogdan Filov, père de l'archéologie bulgare, devant le Tribunal populaire

L'un des accusés était le professeur Bogdan Filov, fondateur de l'archéologie en Bulgarie, scientifique renommé, reconnu par les universités les plus prestigieuses en France, en Allemagne et en Italie. Lors de sa comparution, on lui posa la question "Pourquoi la Bulgarie s'est elle alliée à la machine du guerre criminelle de l'Allemagne ?". Il ne se contenta pas de répondre, de fait, "Parce qu'ainsi en décida le Parlement" mais demanda à "l'honorable tribunal" (selon ses propres mots) de lui permettre d'apporter une réponse plus vaste et contextuelle puisque "cette question demande que bien d'aspects soient objectivement pris en compte". Il essuya un refus, après que les membres du tribunal ait consulté "ceux d'en haut" (les hauts fonctionnaires communistes), car on ne devait pas mener des débats avec les ennemis du peuple.

Les condamnations furent prononcés le 1 férvier 1945 à 16h et étaient retransmises en direct à la radio. Un rassemblement fut organisé autour du Palais de justice de Sofia, rempli de gens, qui crient "à mort", raconte le prof.Markov. Une image de révolte populaire sagement orchestrée par le parti communiste, qui devait montrer la colère populaire contre la classe politique oppressante. Ainsi le cordon des miliciens "n'arrivait pas" à contenir les gens en colère, dont un s'est approché et giflé en pleine figure le knyaz Kiril, frère du feu Boris III, sortant du tribunal, en s'écriant "Votre heure est venue !". Le knyaz lui répondit calmement "Pensez plutôt à la vôtre".

Les manifestations Les manifestations "populaires" en soutien au Tribunal populaire

L'exécution des hommes politiques fut effectuée dans la nuit du 2 février, dans un lieu isolé près d'Orlandovtzi, à proximité de Sofia, devant une fosse d'obus suite à l'un des bombardements de Sofia durant la guerre. Les proches des condamnés à mort n'étaient pas autorisés à leur dire adieu. Le sort le plus cruel a été réservé au professeur Alexander Stanichev, qui fut médecin et ministre de la Santé et de l'Intérieur dans deux gouvernements. Il lui fut ordonné de vérifier si tout le monde était bien mort, après quoi il fut à son tour assassiné d'une balle dans la nuque.
La fosse fut recouverte ensuite de résidus de charbon et transformée plus tard en dépôt d'ordures, pour que les vivants ne puissent pas se recueillir sur la tombe de leurs proches.  

La mémoire

En 1992, un mur de marbre fut érigé devant la petite paroi située dans le parc devant le Palais de la culture à Sofia, sur lequel sont gravés les noms connus des assassinés et des disparus sans laisser de trace. En 1995 une croix de pierre vint compléter le mémorial.

Le 26 août 1996, la Cour supérieure de Bulgarie annula les condamnations du Tribunal populaire et réhabilita les régents, les députés, les ministres et les journalistes.