Origine des Thraces
A ce jour il n'y a pas d'écriture authentifiée des Thraces, les témoignages écrits à leur sujet sont réalisés le plus souvent en grec ancien et plus tard, lors de l'invasion romaine, en latin. Les sources décrivant les Thraces émanent d'historiens, annalistes et autres observateurs de l'Antiquité. Il existe également d'inscriptions d'origine thrace, faites en grec ancien (utilisé couramment par les Thraces).
Le nom Thraces (Traki) apparaît pour la première fois dans le second chant de l'Iliade d'Homère où il désigne ainsi la population du Chersonèse de Thrace (actuelle Péninsule de Gallipoli, Grèce). Cette désignation, en revanche, ne se recouvre avec aucune réalité archéologique ou linguistique, ne se rencontre nulle part dans les mythes antiques ni dans les écrits d'historiens antiques comme Hérodote ou Thucydide. Etant donné la période chronologique de l'Iliade (1 600 a 1 200 avant notre ère), le terme Thraces ne peut avoir qu'une signification relative qui désigne une population nombreuse occupant le territoire entre les Carpates et la mer Égée avec ses îles ainsi qu'une partie du nord-ouest de l'Asie Mineure.
Deux théories tiennent place aujourd'hui concernant qui sont les Thraces. La première veut qu'ils soient des peuples cavaliers nomades venus du nord, nord-est, en provenance des steppes autour du bassin de la mer Noire. Cette arrivée se serait passée à la transition du Chalcolithique vers l'Age du Bronze. Leur descente le long du Danube marquerait le début de l'indo-européanisation de la population autochtone (qui, elle, est supposée par défaut ne pas être indo-européenne). C'est aussi les fondements à la base de l'hypothèse kourgane, nommée ainsi selon la coutume censée être indo-européenne d'accumuler des tumulus (kourganes) sur les sépultures. Selon cette hypothèse les indo-européens partent des steppes de l'Asie centrale et migrent vers l'Europe.
Il existent des éléments matériels à l'appui de cette théorie : le changement notable des récipients en céramique utilisés jusqu'alors - la céramique richement décorée cède la place à des formes simples, tout aussi bien par la forme que pas la stylisation. Disparaissent également les statuettes et les figurines de culte. Des changements se produisent dans le plan des habitations et dans la façon d'ensevelir ses morts (jusqu'alors en position fœtale, plus après). Les déités masculines s'imposent sur la Déesse-Mère. Nombre d'indices archéologiques témoignent de l'arrivée de nouveaux peuples qui bousculent radicalement la vie à certains endroits ou s'intègrent dans le mode de vie de la population locale à d'autres.
Cette première théorie souffre de quelques faiblesses : les tumulus funéraires (pour faire référence aux kourganes) sont répandues dans toute Eurasie et dans la zone de la mer Égée et ses îles. Rien ne prouve leur antériorité à l'est pour dire que ce sont des nomades migrants qui les ont introduits. Sur l'aspect des cultes : même si l'arrivée des nomades imposera des déités masculines chez les Thraces le culte principal a de tous temps été voué à la Déesse-Mère (qui varie par la suite en plusieurs déesses : Bendida (Bendis), Kotito, Zerintia, Braüro, Hipta, Misa et autres).
Selon l'autre théorie, plus adoptée de nos jours, il ne s'agirait pas d'une arrivée de nouvelles populations qui aurait supplanté les autochtones mais d'un processus progressif qui a mélangé sur de très longues périodes nouveaux arrivants et peuples qui habitaient déjà ces terres. Donc, les Thraces seraient un peuple constitué d'une multitude de tribus, fédérés par leur langue et coutumes, entre les Carpates et le bassin de la mer Égée et dont l'entité se serait formée au fur et à mesure des interactions entre autochtones et migrants. N'oublions pas que ce sont les Hellènes qui ont utilisés les premiers le terme Thraces (Traki) pour désigner ces peuples.
Ainsi, de nombreux sites archéologiques prouvent la continuité de vie sur des très longues périodes historiques. De nombreux tumulus néolithiques habités sur la vallée de la Maritza témoignent en ce sens, comme celui de Karanovo (Nova Zagora) еt le tumulus Azmachka (Stara Zagora). La vie à ces endroits a évolué sans jamais s'interrompre, rythmée par les liens d'échange avec le reste de la péninsule des Balkans et la partie occidentale de l'Asie Mineure.
D'autre part des arrivées de nouvelles populations ne sont font pas uniquement du nord / nord-est. De telles migrations sont également remarquées dans le sud de la Bulgarie, entre Stara Planina, les Rhodopes et la mer Égée. La multitude des tribus qui vont en résulter s'inscrira dans une longue période de stabilisation ethnique et culturelle pour former ce qu'on va appeler la Thrace.
Quant au terme Thraces (Traki), il sera définitivement adopté par les Hellènes entre le VI et le V siècle avant notre ère pour désigner leurs voisins du nord en tant qu'entité ethnique avec sa propre langue, mode de vie, religion, structure sociale, politique et administrative différente des leurs. En revanche les Thraces eux-mêmes n'arriveront jamais à l'union, les différentes tribus se feront fréquemment la guerre et plusieurs royaumes existeront durant l'Antiquité.
Au V siècle Hérodote écrit que "...le peuple thrace et le plus nombreux en ce monde après le peuple indien. S'il était gouverné par un seul souverain et s'il était uni, il serait, à mon avis, invincible et plus fort que tout autre peuple. Mais cela est impossible et il est peu probable que ça le soit un jour. Pour cela les Thraces sont faibles. Ils portent beaucoup de noms - chacun en fonction de sa région, mais usent tous des mêmes lois pour toute chose". Thucydide va contester cet énoncé en écrivant que les plus nombreux sont les Scythes. Quoiqu'il en soit, il est que les populations thraces étaient bien plus nombreuses que les Hellènes.